Après plus de deux ans de débats et de nombreuses controverses, la directive Copyright a finalement été adoptée par le Parlement européen le 26 mars dernier. Le processus d’adoption de la directive n’est cependant pas terminé. Alors qu’il était européen, le débat devient désormais national. Ainsi, les pays membres de l’union européenne disposent de deux ans pour transposer la directive dans leur droit interne.
Le vote de la directive Copyright
Sur les 750 élus que compte le Parlement européen, 658 étaient présents mardi 26 mars pour voter le texte de la directive Copyright. Les résultats du vote sont les suivants : 348 élus ont voté en faveur de l’adoption de la directive sur le droit d’auteur, 274 élus ont voté contre et 36 d’entre eux ont voté blanc.
Le Parti Populaire Européen (PPE) a voté massivement en faveur de la directive. Le Parti de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe (ALDE) ainsi que l’Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D), ont également voté en grande majorité pour le texte.
A contrario, les groupes de l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD), des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) et le groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (GUE/NGL) se sont montrés plus hostiles à l’adoption de la directive.
Cette adoption fait suite à un lobbying intensif exercé par les partisans, mais surtout par les détracteurs de la réforme sur le droit d’auteur. Les GAFAM auraient ainsi organisé plus de 700 réunions avec des représentants de la Commission au sujet de la directive. Des hashtags tels que #SaveYourInternet ont également émergé sur la toile sous l’impulsion des GAFAM et autres géants du web. Les citoyens européens eux-mêmes se sont mobilisés contre la directive. Ils craignent que la directive sonne la fin de la liberté sur internet. De nombreuses manifestations en ce sens ont notamment eu lieu en Allemagne, sous l’impulsion de la représentante du Parti Pirate au Parlement européen, Julie Reda.
En France, les médias et plus généralement les créateurs, se sont montrés très favorables à la directive Copyright. Le gouvernement français s’est, quant à lui, félicité de l’adoption du texte.
Bien comprendre la directive Européenne Copyright
Quelles sont les conséquences de l’adoption de la directive Copyright ?
Une meilleure rémunération des créateurs
L’objectif premier de la directive Copyright est d’assurer aux créateurs de contenus, une meilleure répartition des revenus générés grâce à la diffusion de leurs créations sur internet.
Cette meilleure répartition des revenus, entre artistes et plateformes, est soutenue par les créateurs ainsi que par de nombreux médias. Ils considèrent l’adoption de cette directive comme nécessaire à la survie des médias et des artistes.
Cette nouvelle répartition des revenus doit s’opérer grâce aux articles 15 (ancien article 11) et 17 (ancien article 13). Si la numérotation de ces articles contestés a été modifiée, leur contenu reste le même. L’article 15 doit permettre aux éditeurs de presse d’être rémunérés par les plateformes d’agrégation d’informations, comme Google Actualités. L’article 17, quant à lui, impose aux plateformes sur lesquelles les utilisateurs peuvent publier directement du contenu, par exemple Youtube, de conclure des accords financiers avec les créateurs. Elles devront également mettre en place des filtres, afin de prévenir la publication d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Si la directive promet une meilleure rémunération pour les créateurs, les géants du net quant à eux devraient voir leur rentabilité à la baisse.
Des craintes qui subsistent
Les internautes craignent que la directive entraîne certaines dérives. La mise en place des mécanismes de filtrage, prévus par l’article 17 de la directive, risque de pénaliser les petites plateformes qui n’auront pas les moyens de les mettre en place. Dès lors, seules les plateformes les plus importantes pourront se conformer à l’article 17, renforçant ainsi leur domination sur internet.
La directive a pourtant prévu de nombreuses exemptions à l’application de ces nouvelles règles. Ainsi, seules les grandes plateformes seront soumises à l’obligation de filtrage du contenu posté par leurs utilisateurs (article 17). La mise en place de ces filtres ne sera pas obligatoire pour les plus petites structures, c’est à dire : celles qui existent depuis moins de 3 ans, ont moins de 5 millions de visiteurs par mois ou ne dépassent pas 10 millions de chiffre d’affaires. Ces exemptions, au profit des plus petites plateformes, ont pour objectif de favoriser la création et le développement de plateformes européennes pouvant rivaliser avec les géants américains.
De même, les encyclopédies à but non lucratif, comme Wikipédia, les répertoires scientifiques, les sites destinés à l’enseignement ou encore les services individuels de stockage (cloud) seront également exemptés de ces mesures.
Enfin, que les défenseurs d’un internet libre se rassure, le Parlement européen affirme que les différentes exceptions au droit d’auteur (courte citation, parodie, caricature etc.) ne seront pas impactées par la directive.
Si les petites plateformes sont donc a priori à l’abri, ce n’est pas le cas des GAFAM qui risquent, dès lors, de s’opposer à l’application de la directive. L’éventualité d’un recours en annulation devant la Cour européenne de justice, sur le fondement de la liberté d’expression, est alors à envisager.
La transposition de la directive
À la différence d’un règlement, une directive de l’Union européenne n’est pas d’application immédiate. Chaque pays membre de l’UE doit désormais la transposer dans sa législation nationale. Pour ce faire, les différents états membres disposent de deux ans. Les états membres bénéficient d’une certaine marge de manœuvre quant à la transposition du texte. S’ils sont liés par un résultat à atteindre, ils sont libres quant au choix des moyens à mettre en oeuvre.
Ce processus de transposition peut être une nouvelle occasion, pour les opposants à la directive, de faire pression sur le législateur national. La directive Copyright n’en a pas fini de faire parler d’elle.