En France, l’auteur bénéficie dès la création de son œuvre, de la protection conférée par le droit d’auteur. Ce droit d’auteur protège les droits patrimoniaux du créateur ainsi que son droit moral. La protection conférée aux droits patrimoniaux cesse suite à l’écoulement d’un délai de 70 ans après le décès de l’auteur. Quant à la protection accordée au droit moral, celle-ci est perpétuelle. Que se passe-t-il au décès de l’auteur ? Comment sont répartis ses droits de propriété intellectuelle ? Outre sa complexité, cette répartition peut être source de conflits entre les différents ayants-droit.
La transmission des droits patrimoniaux
Les droits patrimoniaux confèrent à leur titulaire le droit d’exploiter son œuvre. Ils regroupent le droit de reproduction, de représentation et le droit de suite.
Le droit de reproduction confère à l’auteur, la prérogative d’autoriser ou non la fixation matérielle de son œuvre, sur quelque support que ce soit. Le droit de représentation quant à lui, permet à son détenteur, de procéder à la communication de son œuvre au public.
En l’absence de testament de l’auteur, les droits de reproduction et de représentation sont transmis automatiquement à ses héritiers réservataires, c’est à dire ses enfants. S’il n’a pas d’enfants, ceux-ci seront dévolus à son conjoint. Si le titulaire des droits a rédigé un testament et désigné un légataire universel, ses héritiers peuvent se voir contraints de partager la gestion de ces droits avec celui-ci. Celui-ci sera généralement le conjoint survivant. Cette situation peut alors engendrer des conflits, notamment en cas de famille recomposée.
Le droit de suite permet aux créateurs d’une œuvre d’art plastique ou graphique, de recevoir un pourcentage sur la revente de leur œuvre sur le marché de l’art. Depuis 2016, le créateur a le choix quant aux modalités de transmission de son droit de suite. Ainsi, il peut le transmettre par voie de legs à la personne de son choix. Il ne peut néanmoins pas méconnaître les règles propres au droit des successions, c’est à dire la réserve héréditaire des descendants et les droits du conjoint survivant.
La transmission du droit moral
Le droit moral est directement lié à la personne de l’auteur. Il lui confère un droit de paternité sur son œuvre, le droit au respect de l’intégrité de son œuvre, un droit de retrait et enfin un droit de divulguer son œuvre.
Le droit de paternité confère à l’auteur le choix de faire figurer son nom sur son œuvre ou de rester anonyme. Le droit au respect de son œuvre prohibe toute dénaturation qui pourrait être portée à sa création, notamment après sa mort. Le droit de retrait enfin, permet à l’auteur de revenir sur son engagement de céder ses droits à des tiers.
Les droits de paternité, au respect de l’intégrité de l’œuvre et le droit de retrait, sont transmis par défaut aux héritiers réservataires de l’auteur, donc à ses enfants. Il peut néanmoins en décider autrement par voie testamentaire et confier la titularité de ces droits à une personne de confiance.
Le droit de divulgation, quant à lui, confère à son titulaire le choix de divulguer ou non l’œuvre. Ce droit de divulgation est conféré par défaut à l’exécuteur testamentaire désigné par l’auteur pour exécuter son testament. L’auteur peut, à cet effet, désigner n’importe quelle personne de confiance. Ce choix peut être source de conflit, car les héritiers de l’auteur peuvent être amenés à le contester. À défaut de testament ou au décès de l’exécuteur testamentaire, le droit de divulgation est transmis selon les règles de la dévolution successorale : en priorité aux descendants puis dans l’ordre, au conjoint survivant et aux autres héritiers.
La transmission des droits d’auteur n’est donc pas chose aisée. Outre les différends pouvant opposer les héritiers, des conflits peuvent également survenir entre le titulaire du droit d’exploitation de l’œuvre et les différents ayants-droit.
Transmission des droits d’auteur et conflit entre ayants-droit
Le titulaire du droit d’exploitation de l’œuvre, des droits de reproduction et de représentation, peut voir son droit entravé par le titulaire du droit de divulgation. Bien qu’il ait les droits d’exploitation, si l’œuvre n’a pas été divulguée du vivant de l’auteur, il ne peut rien faire sans l’accord du détenteur du droit de divulgation. Mais le titulaire du droit d’exploitation doit également veiller à respecter le droit moral de l’auteur. En effet, celui-ci est perpétuel et permet aux ayants-droit de l’auteur de s’opposer à toute exploitation de l’œuvre qu’ils jugeraient contraire à ce droit moral.
Ainsi, il n’est pas rare que des héritiers s’opposent à l’exploitation d’une œuvre sur le fondement du droit moral. Dans une affaire récente, les héritiers de J.R.R Tolkien ont fait savoir qu’ils n’autorisaient pas la réalisation d’un biopic sur le défunt auteur. Autre affaire qui a fait couler beaucoup d’encre, celle de la colorisation du film « Quand la ville dort » de John Huston. Les héritiers du réalisateur se sont opposés à cette colorisation en arguant du fait que celle-ci dénaturait l’œuvre. La cour de cassation leur avait donné raison, considérant que nulle atteinte ne peut être portée à l’intégrité d’une œuvre artistique.
Nous pouvons en conclure que, seul l’auteur et ses héritiers sont à même de déterminer l’avenir d’une œuvre.